La collection Tank de Cartier, objet de tous les désirs

Par Charles-Hadrien Vinault

JUILLET 2022

Dans l'univers de l’horlogerie, certains modèles possèdent une aura bien particulière… Des modèles produits par les plus grandes manufactures, augmentant d’autant plus leur désirabilité, mais pour autant rarissimes et souvent inconnus du grand public. Des modèles parfois réédités, mais dont on ne croise les originaux qu'aux poignets de collectionneurs avertis… Rolex rattrapante référence 4113,  Breguet Empire, Jaeger-Lecoultre Polaris  ou encore… Cartier Tank vintage. Ces montres intègrent les collections les plus pointues et sophistiquées au monde, les plus beaux exemplaires s’échangeant à des prix records entre les membres de ce microcosme qu’est l’univers des Cartier vintage… Explication de cette niche au sein de l’un des modèles les plus emblématiques de l’histoire de l’Horlogerie. 

 

L’histoire de la Tank est bien connue : dessinée en 1917 et lancée en 1919, elle est le troisième modèle dessiné par Louis Cartier. En tant que pionnier de l'horlogerie de poignet masculine, il s'inspire de la forme des chars Renault, le poste de pilotage faisant office de cadran et les chenilles de cornes, intégrées à la boîte pour y fixer le bracelet. Dès 1907, Louis Cartier signe un contrat avec l’horloger Edmond Jaeger, afin d'assurer la production des montres Cartier et lui garantissant pendant 14 ans l’exclusivité des mouvements développés par Jaeger (qui seront ensuite produits en Suisse par LeCoultre). Si l'aspect technique des mouvements n'avait alors que peu d'importance pour Louis Cartier, ils étaient pour autant de très belle facture. Ils se devaient d'avoir pour qualité principale une taille contenue, aussi bien en diamètre qu'en épaisseur, permettant ainsi une grande liberté dans le design. Ces mouvements très fins permettront notamment dès 1906 la création de la montre Barrique (connue aujourd'hui comme Tonneau) dont la boîte, très fine, est entièrement galbée.

 

       Détail du mouvement de la Tank et vue de profil de la version tonneau © credit photo: @antoine.de.macedo

La maison parisienne ne produit alors à l'époque que très peu de montres : entre 1919 et 1969, seules 5829 montres Tank seront produites tout modèle confondu. La majorité des modèles étant alors produits sur commande, avec de nombreuses commandes spéciales pour des clients tout aussi spéciaux comme par exemple un exemplaire unique de Tank réalisé pour Alain Delon (grand amateur de Cartier Tank…) dont la boîte en or est agrémentée de Lapis-lazuli. Les chiffre de production de l’époque sont alors des indicateurs intéressants de la santé économique du monde. Ainsi, si en 1929, 110 exemplaires ont été produits, ce sont plus de deux fois moins qui sortiront des ateliers Jaeger l’année suivante, pour descendre à seulement 6 pièces en 1932 en conséquence du krach boursier. Considérant alors la production minime de l’époque, la fragilité des cadrans associée au manque cruel d’étanchéité des boîtes (malgré une tentative de modèle étanche comme nous le verrons plus bas), il est aisé d'imaginer le nombre très restreint d'exemplaires en bel état encore disponibles sur le marché. La maison a également eu une forte tendance à restaurer les cadrans, réduisant d'autant le nombre de modèles ayant encore leur finition d’origine.

    Détail du cadran de la Tank. © credit photo: @antoine.de.macedo

 

Un autre élément participant à cet effet de niche est le peu de littérature disponible sur le sujet. Dans le cas d’une marque comme Rolex dont les modèles ont tous été étudiés en détail par les collectionneurs et spécialistes, et dont la production est depuis longtemps industrielle, il est aisé de trouver livres, blogs et forums établissant des « règles » ou des classements de chaque variation de cadrans et autres inserts. À l’inverse, la faible production de Cartier, plutôt artisanale, et le nombre de créations spéciales ou customisations rend cette tâche bien plus fastidieuse et nécessite de longues recherches ainsi que de l’expérience, mais c’est également ce qui rend la collection des Cartier anciennes si passionnante… toujours à l’affût de l’exception !

 

50 nuances de Tank.

Si la Tank originale De 1917 (aujourd'hui appelée Tank Normale) a été oubliée du grand public, c’est la Tank Louis Cartier sortie en 1921 qui est aujourd’hui considérée comme étant LA Tank. Il existe cependant un nombre incalculable de variantes autour de ce modèle :

  • Tank Cintrée

La reine incontestée des Tank, le Graal pour beaucoup de collectionneurs. Aujourd’hui remplacée par la Tank Américaine, c'est une vision hyperbolique de la Tank à tous les points de vue. Existante en 3 tailles, la version 9 lignes atteint pas moins de 46mm de long, le boîtier ainsi que le cadran sont entièrement galbés, le cadran devant être littéralement plié, sous tension, et vissé sur le mouvement, les boitiers étant également réalisés à la main… C'est alors un véritable défi technique.

Tank Cintrée. © credit photo: @fumanku

  • Tank basculante

L’influence de Jaeger sur ce modèle est ici la plus évidente. Il existe à minima 3 versions de Tank dont le boîtier pivote pour mettre à l’abri le verre : la Tank Reverso dont le boîtier pivote à l’horizontale exactement comme le modèle Reverso de Jaeger-Lecoultre, la Cabriolet, qui pivote à la verticale sur un axe, nécessitant alors de retirer la montre pour pouvoir la retourner et enfin la basculante dont le boîtier pivote sur un cadre lui-même fixé sur charnière à la carrure. La version contemporaine connue sous la référence 2390 est aujourd'hui très recherchée et sa cote a également fortement monté.

Tank Basculante. © credit photo: @antoine.de.macedo

  • Tank à guichets

Interprétation par Cartier d’une tendance dans les années 30, on cherche alors de nouveaux moyens d’afficher l’heure sur une montre. Audemars Piguet sera alors la première maison à proposer une montre poignet à heure sautante, heures et minutes étant affichées sur des disques. Cartier proposa une version rarissime dans une boîte de Tank Normale. Ce modèle sera réédité pour la première fois en série très limitée à l’occasion de la vente thématique Cartier organisée par Antiquorum en 1996.

Tank à guichet, version en platine. ©crédit photo: @antoine.de.macedo

  • Tank Étanche

Ce modèle peu connu a pourtant été réédité dans une version réinterprétée à l'occasion du lancement de la Collection Privée Cartier Paris, au début des années 2000. Elle est alors appelée Tank à vis. C’est alors une des premières tentatives de la part de Cartier de proposer un modèle résistant aux poussières et à l’eau. Cartier proposera également à la vente sous son propre nom l'une des toutes premières montres étanches alors produites par Omega: le modèle Marine équipé d'un double boîtier et d'une attache venant comprimer un joint d’étanchéité .

Tank Étanche. © crédit photo: Phillips

Ce ne sont ici que quelques exemples parmi toutes les variantes de la Tank mais il en existe bien d’autres : Tank obus, bec d’aigle, arrondie, 8 jours… Cartier Londres proposera également ses propres interprétations de la Tank comme notamment l’asymétrique. La collection Tank de Cartier a servi de base à un nombre incalculable de variantes, rendant passionnant le modèle qui peut faire à lui seul l'objet d'une collection à part entière…

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