A. Porchet, la signature de l’émail (I/II)

MÉTIERS D'ART.

La montre est un fascinant objet personnel. Un condensé de technologie mécanique au poignet qui nous fournit la mesure du temps avec une exactitude étonnante. Perpétuellement insatisfait, l’horloger s’ingénie à rajouter à ses mécanismes une ou plusieurs complications : calendrier perpétuel, heures universelles, équation du temps, ou encore répétition de minutes. In fine, ces prouesses de miniaturisation doivent être « habillées », selon la belle formule consacrée. Entre en scène alors, d’autres compétences, esthétiques cette fois. Il s’agit de dessiner la boîte qui contiendra le précieux mécanisme, son bracelet, ainsi que le cadran, les aiguilles et la couronne. Des composants essentiels à l’ergonomie de la montre et à son apparence. Nous assistons aujourd'hui à l'émergence ou plutôt à la consécration de « l'habillage horloger ». De rares artisans de métiers d'art séculaires sont parfois conviés à exprimer leurs talents. Ils transforment ce que nous connaissons de la montre en de fabuleuses œuvres d’art qui, de surcroît … donnent l’heure ! Nous avons rencontré à deux reprises l’émailleuse Anita Porchet dans son atelier suisse. Farouchement indépendante, elle nous a ouvert les portes de son laboratoire de recherche où elle n’a de cesse d’innover depuis plusieurs décennies. Pleinement consciente des enjeux économiques de son art, cette artisan(ne) défend une vision tout à fait singulière de son métier et de son futur.  Propos recueillis par Hubert de Haro / HDH Publishing, dans l'atelier de l’émailleuse Anita Porchet, Corcelles-le-Jorat, Suisse. Mis en page le 21 avril 2023.

 

Comment définissez-vous votre métier et comment l’expliqueriez-vous à un enfant ? Je suis émailleuse de profession. Avec les enfants, je réalise souvent l’expérience de casser du verre coloré jusqu’à ce qu’il devienne fin comme du sable. J’explique alors que le verre tire son origine du sable. Je l’applique ensuite sur du métal avant de le mettre au four à très haute température. Le verre fond, coule et colle au métal. Sorti du four, il durcira à nouveau. Voilà : l’émaillage, c’est ça !

Anita Porchet prépare tous ses émaux manuellement, dans son atelier. Ici, elle broie du verre coloré à l'aide d'un pilon jusqu'à l’obtention de particules colorées aussi fines que le sable. C'est ensuite, dans une solution aqueuse qu'elle pourra les appliquer sur le cadran. © Audemars Piguet.

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Comment définissez-vous votre style ? Par rapport à Poluzzi (Ndlr : Carlo Poluzzi1) et Suzanne (Ndlr : Suzanne Rohr2), je me sens encore une élève qui n’a pas encore leur niveau. En revanche, je crois avoir développé ma propre « patte », notamment dans les techniques du paillonné5 et du cloisonné3. Il m'a fallu deux ans de recherche pour terminer ma première pièce en cloisonné.

Sur ce cadran de montre Hermès, Anita Porchet exprime toute sa maîtrise de la technique d'émail cloisonné dans la réalisation d'une tête de tigre (en haut à droite). Chaque couleur est clairement délimitée par un fil d'or, délicatement appliqué à la main. Il en résulte un effet de profondeur surprenant et enchanteur. © Hermès.

 

En quoi consistent ces recherches ? À partir d’une montre de la fin du XVIIIe siècle que j’avais à la maison, j’ai étudié toutes les couleurs avec exactitude, ainsi que les procédés utilisés jusqu’à pouvoir refaire la même. À l’époque, j’enseignais* et je poursuivais simultanément mes recherches, après mon travail. C’est mon parrain qui m’a initiée et ouvert les yeux sur la technique de l’émaillage. Il m’a pourtant avertie que plus personne ne l’utilisait et que je devrais donc me débrouiller toute seule !

« C’est mon parrain qui m’a initiée et ouvert les yeux sur la technique de l’émaillage. Il m’a pourtant avertie que plus personne ne l’utilisait et que je devrais donc me débrouiller toute seule !

Anita Porchet

 

A priori, vous ne vous destiniez donc pas, à faire de l’émaillage ? Non. Il n’y avait aucun débouché. Même les pièces en miniature de Suzanne Rohr2 pour Patek Philippe ne se vendaient pas. Ce n’était plus à la mode, sauf au Japon, qui ne distingue pas l’art de l’artisanat. D’ailleurs, les collectionneurs japonais ont été les premiers intéressés. Ils sont venus me rendre visite et m’ont posé des questions très pointues. On m’a expliqué un jour, qu’au Japon, les tremblements de terre fréquents obligent souvent, à reconstruire le patrimoine. Pour ce faire, il faut conserver les savoir-faire des artisans. C’est pourquoi, dès 1950, le Japon a défini le concept de « Trésor national vivant » qui consiste à garantir aux maîtres artisans des moyens de subsistance jusqu’à la fin de leur vie. En contrepartie, ces derniers doivent partager et transmettre leurs savoirs.

Montre de poche unique Patek Philippe "Barques sur le Léman" célébrant les 175 ans de la marque genevoise en 2014. L'émailleuse Anita Porchet s'est inspirée alors de la représentation du lac suisse par les artistes Paul Klee, Alexandre Perrier, Edouard Valent, Walter Mafli, et Ferdinand Hodlera. Au recto, cinq peintures s'enchevêtrent harmonieusement, tandis que le verso dévoile une œuvre. Anita Porchet conjugue ici maestria peinture miniature, email cloisonné et paillonage. L’application des paillons émaillés entre la boîte et le cadran est particulièrement impressionnante. © Patek Philippe

 

Avez-vous souffert de ce manque de reconnaissance ? Aujourd’hui, l’horlogerie a souvent recours aux métiers d’art dont l’émaillage, de nouveau à la mode. Mais, à l’exception de quelques grandes marques indépendantes, le but de toute entreprise est le rendement financier. Je suis donc très réservée face à un marketing qui met tout à coup en valeur les métiers d’art.

Si vous n’étiez pas émailleuse? J’aurais pu faire de la dentelle ou tout autre artisanat où ma créativité aurait pu s’exprimer. La matière est aussi très importante. Au début, j’ai essayé de travailler les bijoux, mais la sensation du métal ne me convenait pas. Dans l’émaillage, ce qui me passionne, c’est précisément de ne pas maîtriser, d’être toujours en difficulté.

" Dans l’émaillage, ce qui me passionne, c’est précisément de ne pas maîtriser, d’être toujours en difficulté.

Anita Porchet

 

Quel est votre technique préférée ? Peu importe. On me demande parfois de décrire les techniques utilisées, de compter les couleurs employées ou calculer le nombre de fois que le cadran est allé au four. C’est ridicule. Ce qui compte vraiment, c’est l’émotion, le ressenti du client. Le reste se résume à du marketing.

Réfléchissez-vous à la transmission de votre savoir ? J’ai donné six ans de cours d’initiation à l’émail à la Chaux-de-Fonds*. Même si aucun de mes élèves n’était voué à devenir émailleur(se), pour moi, il s’agissait de réintroduire dans l’esprit des jeunes bijoutiers et graveurs qu’il existait un autre métier qui permet d’embellir les objets. J’avais la sensation de semer et que peut-être une des graines un jour pousserait. Et puis, lorsque j’ai commencé, Philippe Stern chez Patek Philippe m’a prêté une somme d’argent pour me permettre d’avoir des personnes autour de moi pour les former au métier d’émailleur.

Ce contrat avec Philippe Stern impliquait la formation de futurs émailleurs destinés à intégrer la maison Patek Philippe ? Non, pas du tout et c’est là où j’ai eu beaucoup de chance avec Philippe Stern. Il n’a rien exigé de tel et m’a laissé le choix de pouvoir travailler avec mes collaborateurs pour d’autres marques horlogères.

"J’ai eu beaucoup de chance avec Philippe Stern. Il n’a rien exigé et m’a laissé le choix de pouvoir travailler avec mes collaborateurs pour d’autres marques horlogères.

Anita Porchet

Signez-vous vos émaux ? J’ai été formée aux Beaux-Arts de Lausanne* et j’aime toujours explorer des univers créatifs très différents. Mais je n’ai jamais ressenti le besoin d’avoir ma propre marque. Je préfère être deuxième que première, à savoir améliorer et interpréter le travail d’un artiste ou d’un designer. Cependant, avec le temps, mon travail a gagné sa propre « patte » et se distingue des autres. Mes clients me demandent aujourd’hui de signer mes pièces. Si je réalise intégralement une pièce unique, je signe A. Porchet. Si en revanche, il s’agit d’une petite série réalisée dans mon atelier, je signe A. P. Et même dans ce cas, je commence et je finis toutes les pièces.  Je trouve cela éthiquement correct.

" Je n’ai jamais ressenti le besoin d’avoir ma propre marque. Je préfère être deuxième que première, à savoir améliorer et interpréter le travail d’un artiste ou d’un designer.

Anita Porchet

Plusieurs montres en collaboration avec Anita Porchet et la maison Hermès, témoignent d'une longue et fructueuse entreprise. © Hermès.

Pensez-vous que les autres émailleurs devraient aussi signer leurs cadrans, ce qui leur conférerait un « droit d’auteur » ? Dans le cas des miniatures émaillées4, la question ne se pose pas : la tradition a toujours exigé une signature. Pour le reste, les artisans actuels travaillent souvent dans des entreprises. En tant qu’employés, il est bien sûr difficile pour eux de revendiquer des droits d’auteur. Dans mon cas, comme indépendante, je peux me le permettre même si je refuse parfois de signer un travail qui n’apporte pas de réelle valeur ajoutée artistique au cadran final.

Vos techniques inspirent-elle d’autres marques ? Oui, et je dois dire que malheureusement, mes procédés sont parfois copiés. Mais peu importe, cela me pousse à continuer à trouver de nouvelles solutions.

" Je dois dire que malheureusement mes procédés sont parfois copiés. Mais peu importe, cela me pousse à continuer à trouver de nouvelles solutions.

Anita Porchet

Est-il possible de continuer à innover en émaillage ? Sans aucun doute. Il suffit de regarder autour de nous. Prenez la maison Hermès, avec ses 25 designers en interne et un répertoire de milliers de foulards, il ne s’agit pas de créer de nouveaux dessins. En revanche, l’interprétation d’un dessin est pour moi une nouvelle création. L’émaillage n’a rien à voir, par exemple, avec la copie fidèle d’une œuvre. Chaque couleur est source de grande difficulté, car même lorsque vous trouvez la couleur exacte au modèle, sans aucune bulle dans l’émail, et que vous en juxtaposez une autre juste à côté, cela peut provoquer une nouvelle difficulté à résoudre :  l’harmonie des couleurs. Par ailleurs, à chaque cloisonné, la pose des fils présente aussi une difficulté. Mais c’est ce que j’aime dans ce métier : ces défis constants

 

Datant de 2013, une des 5 pièces uniques de la collection Mademoiselle Privé Coromandel du nom des panneaux de Coromandel de l’appartement de Gabrielle Chanel, rue Cambon. Cette dernière vouait une admiration pour ces objets d'art décoratif : « J’aime les paravents chinois depuis que j’ai dix-huit ans. J’ai cru m’évanouir de bonheur quand, pour la première fois, en entrant chez un marchand chinois j’ai vu un Coromandel… Les paravents, c’est la première chose que j’ai achetée ». Technique d'émaillage cloisonné, rehaussée de paillons d'or. © CHANEL Horlogerie.

 

Vous sentez-vous artisan(e) ou plutôt artiste ? Je revendique le statut d’artisan(e), qui est pour moi égal à celui d’artiste. Pour apprendre un métier d’artisan comme le mien, il y a toute une série de contraintes liées à la maîtrise des outillages et des matières. On ne dira pas à un musicien qui interprète les œuvres composées par un autre, qu’il en est moins musicien, parce qu’il n’a pas créé ce qu’il joue.

" Je revendique le statut d’artisane, qui est pour moi égal à celui d’artiste. On ne dira pas à un musicien qui interprète les œuvres composées par un autre, qu’il en est moins musicien, parce qu’il n’a pas créé ce qu’il joue.

Anita Porchet

Votre travail et votre méthode révèlent une certaine « intranquillité » à toujours vouloir apprendre. C’est vrai. Travailler quatre mois sur une seule montre n’est pas suffisant pour moi. J’aime étudier plusieurs projets en même temps, dans mon atelier.

À titre d’exemple, vous aimez introduire des paillons5 dans vos émaux ? Oui. J’ai récemment eu la chance de pouvoir mettre la main sur un stock de milliers de paillons. Le seul problème : ils ont tous été mélangés dans le même pot à confiture ! Il faut classifier et séparer les motifs, tous différents. J’ai commencé un premier tri avec une amie et on y a passé trois jours, du matin au soir !


Anita Porchet sélectionne et sépare ici des centaines de paillons de sa propre collection privée. © hubert de Haro / HDH Publishing 2023.

Comment avez-vous trié ces paillons ? Par motif : des feuilles, des arabesques ou des chiffres. C’est tout un répertoire de formes qui datent du début du XIXe siècle.  Je me dis parfois que je suis complètement folle de séparer ces milliers d’objets minuscules. J’en ai pour des années de travail mais c’est un nouveau monde qui s’ouvre à moi. Je suis fascinée par la perfection de ces formes, le geste et l’intelligence de la main de l’artisan qui a réussi à atteindre cette qualité sans outil informatique. C’est magique !

" Je me dis parfois que je suis complètement folle de séparer ces milliers de minuscules paillons. J’en ai pour des années de travail mais c’est un nouveau monde qui s’ouvre à moi.

Anita Porchet

Les utilisez-vous sur de nouvelles créations ? Oui. Je viens de terminer une pièce spéciale pour la prochaine exposition de Patek Philippe au Japon. Elle va inclure des paillons. 

Sont-ils tous en or ? En or 24 carats, mais parfois en platine ou en argent. Dans l’émail qui laisse passer la lumière, les paillons scintillent comme des pierres précieuses.

à suivre...

 

*Biographie d’Anita Porchet :

Native de la Chaux-de-Fonds en Suisse, Anita Porchet (1961) possède son atelier chez elle, à Corcelles-le-Jorat. Après une formation aux Beaux-Arts de Lausanne (où elle rencontrera François Junod), elle décroche un Certificat Fédéral de Capacité ou CFC, avec option gravure et émail à la Haute École Arc en 1984. Puis, elle y enseignera sept années durant, le dessin et l’initiation à l’émail. En 1985, elle finalise son Certificat d'aptitude artistique à l’École d’Arts de Lausanne. Les premières années comme émailleuse indépendantes seront difficiles ; l’émail n’est toujours pas à la mode dans l’horlogerie. Cependant, grâce à l’appui de Philippe Stern, alors Président de Patek Philippe, elle développe peu à peu un langage artistique propre. Sa technique évolue et conjugue peinture miniature, cloisonné, champlevé, grisaille tout en innovant avec l’introduction de matières tombées dans l’oubli, notamment les paillons5. Ses nombreuses collaborations avec plusieurs marques prestigieuses (Patek Philippe, Hermès, Chanel, Vacheron Constantin, Piaget et plus récemment Audemars Piguet), lui ont valu la reconnaissance de ses pairs. Elle reçoit en 2015, le Prix Gaïa dans la catégorie Artisanat-création puis partage en 2017 le Prix spécial du Grand Prix de l’Horlogerie avec la fameuse émailleuse Suzanne Rohr2, auxquels se rajoutent le prix « Hommage au Talent » décerné par la Fondation de la Haute horlogerie, ainsi que le prix culturel du patrimoine immatériel vaudois.

 

Notes

Né à Bologne, en Italie, c’est à Genève que l’artiste et peintre miniaturiste Carlo Poluzzi (1899-1978) acquiert ses lettres de noblesses. Les informations disponibles sur sa biographie sont malheureusement trop rares. Il semblerait qu’il ait débuté sa carrière en tant qu'orfèvre avant de se tourner vers l'émaillage. Sa célébrité lui vient de ses miniatures émaillées qui puisent leur inspiration dans un répertoire naturaliste. Indépendant, il a travaillé pour de nombreuses marques dont Patek Philippe et exploré pratiquement toutes les techniques traditionnelles connues : émail cloisonné, champlevé et surtout la peinture miniature. Pour cette dernière, il a mis à profit des matériaux tels que l'or, l'argent et le cuivre pour sublimer ses effets esthétiques. Reconnu internationalement, il a reçu entre autres : le Grand Prix de la Triennale de l'Émail en 1935, en 1948, et en 1951 pour la troisième fois. Le Musée Patek Philippe, le Musée des Arts Décoratifs à Paris et le Victoria and Albert Museum à Londres conservent quelques-unes de ses œuvres emblématiques.

2 Suzanne Rohr (1939) est une émailleuse genevoise spécialisée dans la peinture miniature sur cadran, dans la grande tradition genevoise. Suite à sa formation d’émailleuse à l’École des Arts Décoratifs de Genève, elle ouvre son propre atelier dans les années 1950, une époque difficile pour l’émail. Sa rencontre avec le peintre miniaturiste Carlo Poluzzi1 sera déterminante pour le reste de sa carrière. Un long partenariat s’établit alors en 1967 avec Henri Stern, président de la maison Patek Philippe et son fils Philippe Stern, tous deux grands collectionneurs d’émaux miniatures. En 2019, elle remporte le prestigieux Prix Gaïa dans la catégorie "Artisanat-Création" pour sa contribution exceptionnelle dans le domaine de l’émail, soit à peine après avoir partagé avec Anita Porchet, le Prix spécial du Grand Prix de l’Horlogerie de Genève.

3 La technique du cloisonné consiste à isoler les couleurs à l’aide d’un fil métallique, souvent en or. Ainsi, lors du passage au four, les teintes ne se mélangent pas.

4 La peinture miniature en émail utilise de la poudre mélangée à de l’huile, ce qui donne une pâte plutôt liquide qui permet d’être extrêmement précis. Dans tous les autres cas de figure, l’émail est appliqué en solution aqueuse.

5 Selon le dictionnaire de l’Académie française, les paillons tirent leur origine du mot « paille ».  Ils sont, dans le contexte des arts décoratifs, de « très minces feuilles de métal brillant que l’on place dans les chatons des gemmes pour leur donner plus d’éclat, ou qui servent de fond à un émail translucide ».

 

Pour aller plus loin :

Foulkes (Nick), Meet the world’s greatest watch painter, Financial Times, 23 sept. 2021.

TORRES (Carlos), Anita Porchet, world class enameler discusses her art, Podcast Collectability. 31 mars 2022.

 

 © première photographie de Anita Porchet, vue de dos : Michelangelo Foundation.

 

© Michelangelo Foundation.

© Hubert de Haro / HDH Publishing 2023.

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