La Fabrique de cadrans dans l’Arc jurassien (II/II)

" À l'Estanci, tout au bout de la presqu'île de Giens, les rochers dessinent une crique minuscule dont Flora avait fait, depuis l'adolescence, son paradis personnel. Les pins maritimes y poussent près du rivage, mêlant leur vert profond au bleu intense du ciel et à la teinte d'encre de la mer. Il n'y a ni vent ni vagues. Tout est calme. Un parfum de résineux flotte dans l'air tiède. Sous le soleil printanier, sortir de l'eau est un bonheur autant que d'y plonger."

 

Jean-Christophe Rufin, "D'or et de jungle"
Calmann Levy (2024), p.119.

 

Le métier de cadranier est complexe. Car, produire un cadran exige la rigueur de l’industrie mécanique tout autant que la sensibilité de l’artisan. Pour s’en convaincre, nous avons visité plusieurs entreprises dédiées à la production de cadrans, de quelques centaines par an à plus d’un million. Des réalités hu- maines distinctes pour un nouveau répertoire de techniques, égrenées au fil de nos rencontres : adoucissage, argentage, soleil- lage, sablage, détourage, cabochonnage. Levé de rideau sur l’endroit du décor...

 

Texte de Hubert de Haro / HDH Publishing 2024.

 


 

 

Le mot « Fabrique » évoque parfois l’écosystème horloger original, pré-industriel, concentré à Genève en un bruissement continu d’artisans. Les Cabinotiers – horlogers, sertisseurs, poseurs, mécaniciens, émailleurs et chaînistes – se complétaient autrefois, dans une harmonie aussi improbable que féconde. Le rayonnement international de l’horlogerie genevoise doit beaucoup à ces indépendants qualifiés, réfugiés en Suisse suite aux massacres religieux perpétrés dans leur France d’origine.

Il n’est pas exagéré de réutiliser le mot fabrique pour caractériser l’industrie contemporaine du cadran.

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La cartographie des quelque vingt entreprises recensées met en évidence une implantation des ‘cadraniers’ autour de l’Arc jurassien. Ce terroir industriel historique a démontré une capacité de résistance aux crises économiques cycliques, tout à fait étonnante.

 

Une quantité de petites et moyennes entreprises couvrent un large éventail indus- triel - production de machines-outils, galvanoplastie, mécanique, découpes, frappes, etc. – et sont par conséquent cruciales à l’essor de l’horlogerie mécanique. Il n’est donc pas surprenant d’y constater une telle concentration d’entreprises spécialisées dans la fabrication de cadrans.

Place donc à cinq « case studies », fabricants de cadrans, dans ce troisième chapitre d’un dossier initié avec Jean Singer & Cie SA (lire "La beauté de notre métier réside dans la possibilité de mélanger toutes les catégories de finitions". Joris Engisch, administrateur de la Manufacture de cadrans Jean Singer & Cie SA), suivi des Cadraniers de Genève, propriété de l’horloger François-Paul Journe (lire « La fabrique du cadran : voyage au coeur de l'Arc Jurassien (I/II) »).

 

Metalem : industriel méticuleux

Thierry Junod dirige l’entreprise Metalem, une équipe de deux cents personnes réparties sur trois sites – deux au Locle et un dans le Val-de-Ruz – qui produit une moyenne annuelle de 250 000 cadrans.

Ce manager discret et assertif connaît bien l’entreprise fondée en 1928 où il a fait ses premiers pas professionnels, il y a de cela 25 ans, avant de voguer vers d’autres destinées industrielles.

Depuis son retour, la Manufacture connaît un essor considérable, fruit d’un positionnement clair, d’un management humain responsable et d’un contexte économique favorable. Metalem appartient au groupe restreint des cadraniers centenaires, c’est-à-dire un fournisseur auquel toutes les maisons horlogères, à un moment de leur histoire, ont eu recours.

 

 

Une singularité gagnante

Metalem se singularise par sa capacité à produire des « cadrans complexes qui exigent un long cumul d’opérations dans des quantités non négligeables », selon Thierry Junod. Il s’agit parfois, de plusieurs centaines exemplaires d’un même cadran.

 

On concilie ici, l’industriel avec l’artisanat, le prêt-à-porter avec la haute couture. Seule une longue expérience industrielle, doublée d’une parfaite maîtrise de « 40 métiers différents », comme l’affirme l’entreprise, autorise un tel grand écart industriel.

 

Reconnaissance du patrimoine humain

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Nous connaissons une pénurie complète de main d’œuvre depuis plusieurs mois.
Thierry Junod, Metalem.

 

La solution passe par des choix personnels forts : « Nous privilégions souvent les contrats à durée indéterminée, au détriment de l’intérim. »

C’est avec l’ensemble du personnel de Metalem que Thierry Junod entend trouver des solutions aux crises qui font partie de « l’histoire de la sous-traitance ». Les employés doivent avoir l’assurance d’un emploi durable, pour mieux assumer leurs fonctions dans un contexte qui oscille entre l’euphorie et l’anxiété.

 

 

 

L’esthétique (enfin) sur les devants de la scène
L’essor spectaculaire de Metalem puise aussi ses sources, dans un puissant change- ment de mentalités. Si toute proposition de couleur autre que l’argenté et le noir était jusqu’alors évincée, ou au mieux, cantonnée à quelques montres pour « animer des vitrines », la tendance est aujourd’hui « totalement inversée ».

 

L’esthétique a pris le pouvoir. Alors que les groupes et marques horlogères ont massivement investi dans le mouvement par le passé, à présent c‘est au tour du cadran d’être mis avant.

 

Un cadran élaboré, dont le prix moyen atteint les 300 francs, attirera le regard. Pour le directeur de Metalem, ces nouvelles mentalités lui permettent de répondre à toutes les demandes et exigences des clients. Il observe que ces derniers s’intéressent davantage au métier de cadranier et « à la complexité de la production du cadran ».

 

Guillochage © Hubert de Haro / HDH Publishing.

 

 

 

Donzé cadrans : tout pour l’émail

L’entreprise Donzé Cadrans voit le jour en 1972, sous l’impulsion du maître émail- leur Francis Donzé. Un demi-siècle plus tard, les quelques 10 employés de la so- ciété, installés dans une belle demeure du Locle, anciennement occupée par le cadranier Les Fils d’Arnold Linder, restent fidèles à leurs origines.

Afin de réduire sa granulorité, la poudre d’émail est broyée à l’aide d’un pilon en verre ou en agate.

 

Lors d’une visite, ne vous attendez donc pas à découvrir des machines à commande numérique. Ici, les artisans passionnés et spécialisés convoquent exclusivement les techniques traditionnelles de l’émaillage.

 

L’effet Schnyder
Bien avant de formaliser le rachat de Donzé Cadrans le premier septembre 2011, l’ancien propriétaire de la marque Ulysse Nardin, Rolf Schnyder, était déjà un client assidu la société, aux mains de Francine Donzé – fille du fondateur - et de son époux Michel Vermot. À l’époque déjà et aujourd’hui encore, la marque Ulysse Nardin assume son penchant prononcé pour l’émail, et perpétue ce savoir-faire ex- ceptionnel en déclinant pour des séries très limitées, la gamme des techniques of- fertes : émail cloisonné, flinqué ou champlevé – ou bien celle des cadrans en émail uniformes et monochromes.

 

 

Émail « grand feu »
La technique – appelée aussi « grand feu » - a longtemps permis de préserver les ca- drans métalliques – en or, cuivre ou laiton – des outrages du temps, de l’humidité et de la lumière. Pendules, pendulettes, montres de poche et enfin montre bracelet affi- chent ainsi, un cadran immaculé, du fait de la superposition de couches d’oxydes mé- talliques, portés ensuite, à des températures oscillant entre 750 et 850 degrés.

Les plaques métalliques revêtues d’émail sont déposées au four, pour y être cuites à plus de 800°C. Le temps de cuisson et l’épaisseur de la couche d’émail déterminent la couleur de chaque cadran, et lui confèrent ainsi un charme artisanal unique.

 

Spécialiste et généraliste
Avec environ 1 200 cadrans produits chaque année, Donzé Cadrans fait figure de proue de l’émail et se démarque très nettement, des ateliers spécialisés dans une ou autre technique d’émaillage. Des marques, telles que CZAPEK ou Lang & Heyne par exemple, soucieuses de la conservation des couleurs et des brillances de leurs cadrans, que seul l’émail peut garantir, ont recours à ses services. En cela, comme l’as- sure Claude-Éric Jan, directeur de Donzé Cadrans, la société suit « les principes ancestraux et la plus pure tradition de l’émail grand feu ».

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Nous achetons, chaque année, plus de vingt kilogrammes d’émail, essentiellement à Limoges, chez Soyer, avec qui nous entretenons une belle relation commerciale.

Claude-Éric Jan, Donzé Cadrans.

 

 

Effet papillon

Les cadrans émaillés fonctionnent en effet, comme une splendide carte de visite pour Soyer - ce géant des émaux qui produit annuellement 200 à 300 tonnes d’émail.

 

L’émail fait rêver. Il fascine un public de niche, à la recherche d’authenticité. En cela, il se révèle être un formidable ambassadeur de l’horlogerie fine tout autant qu’un in- croyable déclencheur d’émotions.

L’entreprise Donzé Cadrans, installée Rue de l’Avenir, a de beaux jours devant elle.

 

Les Fils d’Arnold Linder SA : Manufacture de « cadrans soignés »

Jean-Paul Boillat, ingénieur électricien de formation, « n’avait rien à faire dans l’horlogerie » nous confesse-t-il. Pourtant, en 1982, à l’instigation de Valentin Pia- get, il rachète le cadranier du Locle, l’entreprise Les Fils d’Arnold Linder, pour la transformer, en quatre décennies, en une Manufacture de « cadrans soignés », tout à la fois discrète et ancrée. Immersion.

Pose de matière luminescente.

 

Symbiose parfaite
C’est un euphémisme de parler de symbiose entre l’administrateur délégué Jean-Paul Boillat et sa société Les Fils d’Arnold Linder. Le professionnel incarne l’entre- prise depuis quatre décennies. Il a conçu les plans de son implantation en 2000, lors du déménagement du Locle au Bois. Depuis, il a acquis toutes les machines à commande numérique, robots laser et autres équipements, a recruté l’ensemble de ses 120 employés, a négocié les permis auprès des autorités compétentes, et connaît dans le détail les circuits d’eau, d’air, de refroidissement, de rinçage...

Il sélectionne personnellement, chaque année, les 25 tonnes de sel indispensable au détartrage partiel de l’eau qui « prend sa source à 700 mètres de profondeur, dans le vallon de Saint Imier ». Intarissable, c’est une joie de l’entendre décrire l’un après l’autre, dans le plus infime des recoins, les ateliers de la Manufacture.

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Un jeune employé met trois à cinq ans à commencer à comprendre la complexité du métier.
Jean-Paul Boillat, Les Fils d’Arnold Linder SA

La transmission ? Selon lui, le mot même de cadranier est « une vue de l’esprit » : produire un cadran suppose maîtriser des métiers très divers. On l’aura compris, l’ad- ministrateur n’est pas prêt pour la retraite.

Appliques fixées sur un bouclard, après bain galvanique.

 

Manufacture
Nous avions rencontré le bouillonnant Boillat en 2007 déjà, lors d’une visite dans les locaux de Bois. À l’époque, il produit 200 cadrans par jour et ne vise pas « la produc- tion de masse ».

Quinze ans plus tard, les valeurs perdurent : entre 60 et 80 000 ca- drans sortent chaque année des ateliers des Bois, pour une capacité singulière de gé- rer entre 12 à 15 références différentes par jour, adage des très rares cadraniers totalement intégrés.

Le mot manufacture, ce terme si galvaudé, épouse pourtant comme un gant la signature de l’entreprise. Toutes les étapes habituelles, de la mé- canique, à la galvanoplastie et à la décoration, y sont bien représentées. Fait plus rare, les appliques, les posages et même les outils de contrôle voient également le jour dans cet établissement.

Flexibilité
Les flux et la logistique des Fils d’Arnold Linder ont justement été peaufinés pour permettre une flexibilité indispensable pour satisfaire l’unique client de la société : le groupe Franck Muller. En 2000, Jean-Paul Boillat rencontre pour la première fois Franck Muller puis, Vartan Sirmakes, tous deux copropriétaires du groupe Franck Muller. Désireux de garantir les livraisons que MOM le Prélet, de Geneveys sur Coffrane, assure avec difficulté, Franck Muller et Vartan Simarkes proposent à Jean- Paul Boillat d’intégrer, en nom propre, le capital de la nouvelle Société Anonyme pour 1/3 chacun.

Le dernier tiers sera conservé par l’actuel administrateur délégué. L’accord permettra à l’administrateur de développer son outil de production selon ses propres ambitions, et de relever tout à la fois les défis créatifs de Genthod, siège du Groupe Franck Muller.

Un mariage qui frise le quart de siècle, pour le bonheur des deux sociétés.

 

Comblémine : « Moins vite, moins vite ! »

Les amoureux de géographie reconnaîtront dans Comblémine le nom d’une rue de la ville de Môtiers, en Suisse. C’est également le nom d’un producteur de cadrans de Saint-Sulpice, dans le Val-de-Travers. Les deux endroits partagent un point com- mun : l’horloger Kari Voutilainen. Ce dernier vit en effet, rue Comblémine, lorsqu’en 2014, il rachète aux enchères, le cadranier de Saint-Sulpice Dialtech, une société du groupe chaudefonnier Vital Morel Décoration Horlogère (VMDH), en faillite après le décès de son dirigeant en 2013. Rebaptisée Comblémine, l’entreprise produit à l’époque 20 000 cadrans par an, une quantité démesurée pour les besoins de l’horlo- ger. Aujourd’hui synonyme de très haut de gamme, Comblémine accueille 23 em- ployés pour une production annuelle de 6 à 800 cadrans. Quant à la « maison mère » Kari Voutilainen, elle représente à peine 10 % de son chiffre d’affaires. Quels ont été les motifs et les conséquences de ce changement radical ?

Une amitié de longue date
Les liens qui unissent
Kari Voutilainen et Christophe Beuchat remontent au début des années 1990, alors qu’ils évoluent ensemble dans la cellule de restauration de Parmigiani Mesure et Art du Temps, producteur et restaurateur de mouvements, propriété de la fondation Sandoz dès 1996. Ils ne se perdront plus de vue. Au départ en retraite du directeur de la toute récente Comblémine, en 2017, Kari Voutilainen propose le poste à Christophe Beuchat, alors indépendant. Le tout nouveau direc- teur a carte blanche, et doit, comme il le confesse, « tout apprendre sur le cadran ».

 

Less is more

Christophe Beuchat a acquis une solide expérience de constructeur de mouvement. Pourtant, il s’étonne : « La gamme opératoire (ndlr : procédure et temps d’un cycle de fabrication) de production de la platine d’un calibre peut contenir dans une demi- page A4, alors qu’il en faudra deux pour un cadran. » Il adopte alors, une première mesure essentielle : il concentre l’outil et les compétences sur quelques phases clefs de la production et n’hésite pas à recourir à des collaborations externes, où « d’autres sont bien meilleurs ».

Posages de décoration pour cerclage © Hubert de Haro / HDH Publishing.

 

 

L’usinage comme pierre angulaire.
Il réalise ensuite à quel point l’usinage – la première étape du cycle de production d’un cadran – est cruciale. C’est dans l’atelier mécanique où évoluent des program- mateurs de machines à commandes numériques (CNC), que la matière première arrive en brut, pour être ensuite, patiemment usinée.

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La base de notre travail est d’obtenir une belle ébauche, plate, propre et sans bavure. Christophe Beuchat, (ex) Comblémine.

A posteriori, les multiples traitements de surface – anglage main, polissage, satinage ou encore sablage, giclage, côtes de Genève, soleillage – exigent, en effet, un état de surface parfait.

Résine blanche de protection.© Hubert de Haro / HDH Publishing.

 

 

Sur mesure
Ici, le visiteur ne trouvera aucune presse industrielle, étampe ou outil de frappe de cadrans. L’ensemble de la production est usiné à l’atelier mécanique, sur des CNCs (machines à commande numérique) programmées à chaque nouveau cadran. Ce choix n’est pas anodin. C’est le fruit d’une décision industrielle, détaille le dirigeant : « Lorsqu’une étampe, seule, coûte jusqu’à 5 000 francs, il est impossible d’accepter des commandes de trois cadrans. ». Or,
Comblémine souhaite précisément servir une clientèle exigeante, qui peut ne commander « qu’un seul cadran ». Il s’agit par- fois de jeunes horlogers ou de projets embryonnaires, évoluant par la suite en marque. L’ouverture de l’entreprise aux demandes « sur mesure » reste une gageure atypique car l’usage chez les cadraniers est de refuser des commandes inférieures à 100 cadrans.

 

Faire perdurer le savoir-faire.
Lors du rachat de
Dialtech en 2014, Kari Voutilainen avait souhaité conserver tous les emplois et par là même, l’expérience acquise. Aujourd’hui, à l’instar de toute l’industrie horlogère, la pénurie générale de main d’œuvre complique le recrutement.

 

Disques, rehauts, appliques, etc., illustrent la complexité du cadran de la future montre Pecqueur. © Hubert de Haro / HDH Publishing.

 

Mais, Christophe Beuchat reste optimiste. En quelques années, il a su former et conserver une équipe qui assure le dédoublement de tous les postes ; en l’absence d’un employé, l’activité ne s’arrête pas pour autant. Par ailleurs, à toutes les étapes de production, de l’usinage à la décoration et à la mise en couleur, il n’est pas rare de l’entendre répéter : « Moins vite, moins vite ! » pour s’assurer d’un résultat final irréprochable. Un vrai luxe !

Depuis notre visite, Christophe Beuchat a décidé de quitter la direction de Comblé- mine pour voler de ses propres ailes et entreprendre un nouveau projet, en collabora- tion avec un maître horloger de Sainte-Croix. Nul doute que ce tandem fera bientôt parler de lui.

 


 

Quadrance & Habillage : polyvalence

L’entreprise Quadrance et Habillage voit le jour en 2006, à Fleurier, sous l’impul- sion de la fondation Sandoz. Cette dernière, après avoir lancé dix ans plus tôt la marque Michel Parmigiani, « verticalise » sa production et multiplie les investisse- ments industriels dans de nouvelles usines de composants, à l’instar du boîtier, du spiral ou encore du cadran. Quadrance & Habillage est le résultat de cette straté- gie. Initialement implantée à Fleurier, elle déménage vers la Chaux-de-Fonds en 2012, pour occuper les anciens bâtiments du producteur de boîte Calame, entre- temps racheté par Patek Philippe.

 

Transmission et Polyvalence
Steve Simonetti est Chef de Projet Industrialisation chez Quadrance & Habillage, dans une équipe de 60 personnes travaillant à la production de boîtiers et de cadrans, à savoir, de la pièce unique aux 300 cadrans par jour, pour un total de 10 000 unités par an. « Notre hiérarchie est plutôt transversale », nous rappelle-t-il lors d’une rencontre dans les locaux chaudefonnier de l’entreprise.

Cadran aux fines lignes colorées, inspiré du réseau de métro londonien. À l’arrière- plan : tampon en silicone, utilisé pour la décalque. © Hubert de Haro / HDH Publishing.

 

Ici, le mot d’ordre est aux « va- leurs humaines » et à l’échange constant entre les employés. L’enjeu est de taille : l’entreprise dépend aussi, d’une forte « polyvalence » des tâches. La pénurie de main d’œuvre et l’absence actuelle de formation spécialisée imposent une formation interne continue. La pose correcte des appliques, par exemple, est acquise, in situ, par trans- mission d’un opérateur à son apprenti(e).

Les deux poumons
D’une entreprise à l’autre, le processus de production d’un cadran varie peu. Il semble régi par une loi universelle, héritée d’un siècle de pratique : « la règle de
trois ». De quoi s’agit-il ? De la matière brute, au cadran prêt à être expédié, le métal traverse invariablement, trois secteurs de l’entreprise : 1. La Mécanique, 2. La Galva- noplastie et 3. La Décoration (qui inclue la pose couleur). Steve Simonetti assume des deux premiers : « nos deux poumons sont la Mécanique et la Galvanoplastie. » Alors que le client final sera admiratif devant le rendu parfait d’un anglage ou l’élégance d’un azurage, le gestionnaire sait que la qualité se joue en amont. Toute bavure, toute trace, si microscopique soit elle, échappée à l’œil averti des mécaniciens, ne se
révèle parfois, qu’à la fin du cycle complet. Réduire les défauts et les retours, impose donc, une attention de tous les instants.

« Nous sommes une petite équipe qui produit des volumes modestes par client, souvent de l’ordre de trente à quarante cadrans.
Steve Simonetti, Quadrance et Habillage

 

Sérénité

Quadrance et Habillage, « créée pour servir Michel Parmigiani », n’a ni la mis- sion, ni la vocation d’entrer dans une course à l’équipement industriel. Ici, 100 % de l’usinage est assumé par des machines à commande numérique, en mode fraisage (retrait de matière sur cadran fixe) ou en mode burinage (retrait sur cadran mobile). Lors d’une visite, l’attention ne sera jamais perturbée par le brouhaha typique de presses, frappant des milliers de cadrans.

Cadran en aventurine bleue. © Hubert de Haro / HDH Publishing.

 

La taille compacte de Quadrance et Habillage n’est pas vécue comme une entrave, bien au contraire. La conviction du travail bien fait, insuffle une certaine « sérénité » à Steve Simonetti et augure d’un bel avenir.

 

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