Nouveau virage pour le Musée National de l’Automobile.


AUTOMOBILE(S).

 

Le Musée National de l’Automobile-Collection Schlumpf (MNA-CS) a récemment entamé un vaste programme de réformes. Ses 40 bougies à peine soufflées, son nouveau gestionnaire – une association de gestion à but non lucratif composée de huit membres institutionnels et privés - a bel et bien enclenché la vitesse supérieure. Plusieurs chantiers significatifs sont en cours :  un nouveau parcours de visite dans un espace d’exposition repensé et élargi, une intensification du programme de formation des jeunes apprentis en restauration mécanique, ou encore une optimisation de l’usage de l’autodrome. L’ambition est claire : faire connaître au plus grand nombre de personnes cette collection exceptionnelle qui dénombre 422 modèles classés Monuments historiques. Un pari que son directeur Guillaume Gasser a bien voulu nous détailler. Reportage au Musée National de l’Automobile de Mulhouse.

 

Hubert de Haro / HDH Publishing, pour le magazine de l’horloger parisien Antoine de Macedo. Jeudi 25 Mai 2023.

 

Hubert de Haro : Vous dirigez l’Association de gestion du Musée National de l’Automobile, présidée par Bruno Fuchs. Qui sont ses membres et quels sont leurs objectifs principaux ? Guillaume Gasser : Huit membres constituent l’association : l’Agglomération Mulhouse Alsace, la Collectivité Européenne d’Alsace, la région Grand Est, la Chambre de Commerce et d'Industrie Sud Alsace Mulhouse, l’Automobile Club de France, la Plateforme Filière Automobile et enfin, Peugeot Citroën Automobiles. L’association a pour objectif d’assurer, sans but lucratif, la gestion et l’animation du MNA-CS et de participer ainsi, au développement de l’attractivité du territoire.

La façade du Musée national de l'automobile donne immédiatement le ton: flottant dans les airs, plusieurs reproductions de voitures de compétition guident le visiteur vert l'entrée. Une réalisation artisitique singulière à forte identité visuelle de l'espace. @ Hubert de Haro / HDH Publishing (en haut) et Fernando Urquijo (en bas).

 

Comment définissez-vous votre profession ? Diriger un musée, c’est diriger une équipe de plus de 40 personnes (dont le personnel du restaurant et du bar) avec les contraintes d’une entreprise privée. Ma mission consiste à assurer l’équilibre économique tout en développant les animations et à assurer bien évidemment l’accueil du public dans de bonnes conditions.

Quand avez-vous pris connaissance pour la première fois de la collection Schlumpf. Vous souvenez-vous de vos premières impressions ? J’ai visité pour la première fois le Musée avec mes parents, dans les années 1980. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs mais je garde une impression d’immensité et du gravier partout...

 

L'ampleur de la première salle saisie par la richesse des modèles historiques, qui reposent sur un tapis de gravier. © AlexisToureau.

 

Qu’est-ce-qui distingue le MNA-CS de ses confrères internationaux ? C’est assurément la plus belle collection au monde, de par la qualité des 600 modèles présentés. À ce jour, une telle concentration de véhicules (dont un ensemble de 120 Bugatti) est inégalée !

 Les modèles Bugatti dominent dans la salle dédiée aux premiers "bolides" de la compétition automobile. © AlexisToureau.

 

À quoi ressemble la journée type du Directeur du MNA-CS ? Dès mon arrivée le matin, je fais le tour du site et échange avec les responsables de service. Puis, dans mon bureau, je réponds aux emails et gère le quotidien et les urgences. Je signe également un nombre incalculable de documents !

Le Musée national de l'automobile compte un cortège de'mascottes dans sa collection. Oeuvres artistiques à part entière, elles témoignent des liens étroits entre le monde automobile et l'univers des arts décoratifs dans les années 1920. De haut en bas et de gauche à droite : éléphant dessiné par le fils aîné d'Ettorre Bugatti, Jean; lévrier afghan de Cartier; Rolls-Royce; avion Voisin; Isotta Frascini; Hispano Suiza et enfin, Peugeot. © Fernando Urquijo.

Avec une collection totale 450 voitures dont 422 classées Monuments historiques, quels sont vos trois modèles préférés et pour quelles raisons ? En premier lieu, notre “Joconde” : La Bugatti Royale Coupé Napoléon. Il s’agit du chef d’œuvre d’Ettore Bugatti (1881-1947), conçues pour les têtes couronnées. Cette voiture est absolument époustouflante avec ses 6 m de long, son bouchon de radiateur en forme d’éléphant, inspiré d’un bronze réalisé par Rembrandt Bugatti, sculpteur et frère cadet d’Ettore Bugatti (1884-1916) décédé très jeune, son moteur 8 cylindres et sa vitesse maximale de 200 km pour les années 1920. Seuls 6 exemplaires ont été produits au monde. Nous possédons celle du « Patron » Ettore Bugatti. En second lieu, je choisirais la Mercedes 300 SL, sublime avec ses portes papillon. Il s’agissait de la voiture de tous les jours de Fritz Schlumpf. Et enfin, la Delahaye 130 M de 1959 : une voiture de luxe française qui a traversé l’Atlantique avant de revenir en France pour être offerte au musée dans les années 1980. Sa carrosserie est extraordinaire.

La Bugatti type 41, dite "Royale Coupé Napoléon" a été produite en six exemplaires, de 1927 à 1933 . Le musée compte dans sa collection, la voiture personnelle d'Ettore Bugatti. Avec ses 4,3 mètres de longueur, ce véhicule est encore aujourd'hui l'un des plus grands au monde. Sa génèse est fascinante et mérite amplement le premier choix du directeur du Musée Guillaume Gasser : "cette Royale exceptionnelle est restée dans la famille Bugatti jusqu'à son achat par Fritz Schlumpf. Ettore Bugatti rêvait de réaliser la voiture de luxe de tous les superlatifs. Il réalise le châssis définitif en 1929 pour lequel son fils Jean dessine une carrosserie répondant à la passion de son père pour l'hippomobile à 8 cylindres, 12 763 CM3, 300 chevaux et 200 KM/H (Nº d'inventaire 0911)". © Francis Kech.

 

Le Musée a-t-il récemment acquis de nouvelles pièces et/ou a-t-il bénéficié de donation de collectionneurs privés ? Les valeurs des voitures ont tellement augmenté que nous n’avons que très peu de propositions intéressantes pour le musée. En revanche, le Musée a récemment reçu en don une Alpine A110, offerte par l’ancienne Présidente des amis du musée et en leg, une Renault 5 Turbo 2.

Disposez-vous d’un budget prévu pour l’achat de nouvelles automobiles et si oui, quels critères appliquez-vous ? Malheureusement, nous assurons 80% de notre fonctionnement en recettes propres et sommes soutenus par l’agglomération mulhousienne pour les 20% restants. Nous n’avons pas les moyens de faire de nouvelles acquisitions.

La salle des "classiques" (1926-1949) recèlent des trésors de raffinement et d'élégance. De superbes illuminations d'insparation Art nouveau subliement de leur douce clarté les modèles exposés. © AlexisToureau.

 

Le musée déploie actuellement sur plus de 20 000 m², l’histoire et l’évolution de l’industrie automobile. Un projet scientifique de modernisation de ses présentations, mené par Elia Saunier, devrait aboutir en2025. Prévoyez-vous d’agrandir les locaux actuels ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? L’idée de base est de modifier la scénographie pour la rendre plus moderne et immersive. Nous allons ainsi revoir intégralement le parcours de visite pour qu’il soit plus cohérent et moins long. La présentation des voitures par exemple va s’étendre aussi aux sous-sols et s’ouvrir sur l’autodrome.

Le Musée national de l'automobile accorde un espace de choix à la compétition automobile, des rallyes à la Formule 1. © AlexisToureau.

 

 

Le musée est aussi un espace vivant qui restaure des modèles bien particuliers et forme de jeunes apprentis. Quels sont vos ambitions dans ce domaine ? Nous souhaitons devenir un pôle d’excellence automobile européen, avec un centre de ressources, un accès à notre bibliothèque et à nos archives ; nous souhaitons encore, poursuivre les partenariats actuels avec l’Université de Haute Alsace, l’ARC de Neuchatel et les formations avec le CFA (Centre de Formation des Apprentis) de l’artisanat sur les restaurations de voitures.

Ces compteurs de la marque Jaeger équipent la Bugatti "Atalante" Type 57S (Nº d'inventaire 0905). Un oeil averti retrouvera les mêmes compteurs Jaeger sur les tabliers de bord de nombreux véhicules. Pour plus d'informations sur la passionnante aventure de leur conception, repartez-vous à l'"Entretien fictif avec Jacques-David Le Coultre sur le succès mondial impressionnant des compteurs Jaeger.". © Hubert de Haro / HDH Publishing.

 

Quels sont les activités récentes de dynamisation de l’autodrome ? Nous avons rendu l’autodrome accessible sans prendre obligatoirement un billet d’entrée au musée. Nous avons également ouvert le « Gatsby bar » pour en faire un lieu de rencontres et organisons de nombreux évènements sur l’autodrome : rassemblements, concerts, drive in, projections de cinéma, festivals.

Plus généralement, comment envisagez-vous l’avenir du Musée ? Le musée national de l’automobile doit poursuivre sa dynamique pour devenir le lieu incontournable de la région. Sa modernisation et son ouverture outre Rhin doivent aller de pair avec la mise en place d’une exposition temporaire de grande ampleur par an, ainsi que la poursuite d’une politique d’événementiel.

 

Petit questionnaire de Proust :

Date et lieu de naissance ? 9/7/1980 à Mulhouse. Formation académique ? Master de Gestion industrielle.. Date d’entrée à l’Association de gestion du MNA-CS ? Septembre 2012. Ce mandat a-t-il une échéance ? Je suis salarié de l’association du Musée national de l’automobile, c’est un CDI. Quelle voiture conduisez-vous au quotidien ? Une Mercedes GLB. Et pour vous faire plaisir ? Je conduis exclusivement la mienne. Livre de référence et film sur le monde automobile ? L’affaire Schlumpf et « Fast and Furious ». Votre musée préféré, toutes catégories confondues ? Le Musée des transports de Lucerne. Itinéraire pour un voyage touristique idéal en voiture ? Un tour d’Italie. Quelle compétition automobile suivez-vous ? la Formule 1. Le MNC-CS en 2022 en quelques chiffres : Une moyenne de 200.000 visiteurs chaque année, 438 modèles présentés pour 20 000 m² d’expositions dont 2 000 m2 pour l’atelier. L’autodrome est un stade de foot reconverti, soit environ 10 800 m2.

 

Sélection (arbitraire) de quelques modèles. © Photographies: Hubert de Haro / HDH Publishing

 

1. PANHARD & LEVASSOR, la voiture de l'an I de l'automobile, 1891.

Moteur Daimler type P2C, n°77, puissance : 1CV3/4, vitesse moyenne : 12 km/h. Date de livraison:  04 / 12 / 1891. Carrosserie « d'usine » : phaéton avec capote. INV 5103

"Acquisition grâce à aux Fonds Régional d'acquisition des Musées de France: (FRAM - Alsace ) et à Motul, premier mécène participant à cette acquisition. Elle fait partie de la première série d'automobiles jamais construite au monde, à Paris, par la firme Panhard & Levassor. C'est aussi la voiture du premier automobiliste célèbre qui ne soit
ni constructeur, ni pilote : L'abbé Gavois. Il l'a acheté en
1896, l'a baptisé « Antoinette » et l'a utilisé durant 26 ans!"

 

 

 

2. BUGATTI Biplace Sport Type 16,1912.

4 cylindres, 100 CV pour 160 km/h. INV 0302

Ce modèle exceptionnel a été commandé par l'aviateur Roland Garros. En hommage à l'aventurier et ami, Ettore Bugatti choisira, à partir de 1912, de nommer toute la production Bugatti "Biplace".


 

3.  BUGATTI 45, Biplace "Grand prix", 1929.

250 CV, 3801 cc, 240 km/h. INV 0502.

Cette élegante Bugatti fut conçue pour lutter contre la suprématie des Bentleys lors des 24 heures du Mans. Le Musée mentionne le nom du pilotre Louis Chiron qui aurait "maîtrisé ce prototype capricieux et remporté quelques victoires dont celle au Klausen en 1930". 

 

 

4. Bus DAIMLER, 1899. ANGLETERRE.
2 CYLINDRES. INV. 2311

"Fondée en 1893, la Daimler Motor Syndicate exploitait les brevets de l'allemand Gottlieb Daimler et fabriquait ainsi des modèles similaires à ceux du français Panhard et Levassor".

 

 

 


5. ROLLS-RTOYCE "Silver ghost" biplace, 1912. ANGLETERRE

6 CYLINDRES, 7428 CM3, 100 KM/H, INV. 2320

"La Silver Ghost se vit attribuer le titre de « meilleure voiture du monde », ce qui exigeait bien quelques soins comme un chauffeur et un garage".

 

 

 

6. MERCEDES BENZ Biplace Course 300 SLR, 1955. ALLEMAGNE
8 CYLINDRES / 2982 CM, 300 CV / 300 KM/H. INV. 1620.

"La 300 SLR a permis à la marque de remporter les Mille Miglia avec Stirling Moss, mais le tragique accident au Mans en 1955 a provoqué le retrait de Mercedes de la compétition". 

 

 


7. MASERATI Biplace Sport 300S, 1955. ITALIE.

6 CYLINDRES, 2993 CM3, 280 CV, 280 KM/H. INV. 1210


"Les 300S étaient les principles rivales des Ferrari au Championnat du monde des marques dans les années 50. Celle-ci appartenait à l'écurie
Scuderia Centro-Sud".

 

 

 


8. BUGATTI Coach Type 55, 1934. FRANCE.


8 CYLINDRES, 2261 CM3, 160 CV, 180 KM/H. INV. 0603

"Cette 55 a voyagé des deux côtés de l'Atlantique aux mains de nombreux propriétaires. Malgré cela, elle a eu la chance de rester dans un parfait état d'origine. Néanmoins, elle était bleue et noire à
sa sortie d'usine avant d'arriver dans la collection Schlumpf".

 

 


9. VOISIN Berline C28, 1936 / FRANCE


6 CYLINDRES, 3315 CM3, 100 CV, 140 KM/H. INV. 1313.


"Cette Voisin offrait à l'acheteur des innovations originales pour la conduite (transmission à relais électromagnétique) et pour la carrosserie, avec l'utilisation quasi générale de la tôle d'aluminium et la recherche d'une visibilité maximale, le tout orné de la figurine « cocotte » très Art Déco".

 

 

 

 

 

 

1 commentaire

Magnifique reportage. Je n ai plus qu à visiter ce musée.
Merci d ouvrir les esprits sur ce patrimoine exceptionnel

Alain 19 juin 2023

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