Primus inter pares : les mythes fondateurs de l’horlogerie moderne 

Comment peut-on définir l'essence d'une icône horlogère ? Quels sont les montres intemporelles, dont les codes esthétiques singuliers, désormais gravés dans la pierre, continuent d'inspirer les créateurs du monde entier et captivent toujours l'imagination des collectionneurs ? Quels sont les meilleurs « placements » pour ces investisseurs à la recherche de diversifier leurs actifs ?

Texte : Hubert de Haro / HDH Publishing pour le magazine digital d’Antoine de Macedo (mars 2024).

 

Des collectionneurs aux investisseurs, certaines montres traversent les décennies, sans prendre une ride. Elles captivent autant l'imagination qu'elles suscitent le respect, jusqu'à revêtir un caractère mythique. Originaire du grec muthos puis du latin mythos, le mot « mythe » désigne avant tout, des récits populaires transmis par la tradition. Toutefois, il relève aussi parfois de la « représentation qu’un ensemble d’individus se fait d’une période, d’un fait, d’une idée, ou d’un personnage. » Nous avons tous une image précise de nos montres préférées, forgée par notre expérience tactile au contact physique de ces modèles, et donc, de nos goûts personnels, reflets également de l’intense communication digitale qui nous entoure. Avouons-le : ces montres qui font rêver appartiennent à l’univers collectif de l’horlogerie, contribuant ainsi à façonner ses mythes fondateurs.

Le site www.everywatch.com nous a permis de sélectionner les douze modèles les plus récurrents parmi les 361,938 montres vendues dans 297 maisons aux enchères, depuis avril 1989.

Nous avons fait appel aux précieuses données du site www.everywatch.com pour sélectionner les douze modèles les plus récurrents parmi les 361,938 montres vendues dans 297 maisons aux enchères, depuis avril 1989. Sans surprise, Rolex et Patek Philippe concentrent toutes les attentions et dominent donc cette sélection. Pour le reste, nous y avons ajouté un soupçon de subjectivité...

 

1. ROLEX Daytona « Paul Newman », réf. 6239 (1968)

La montre de tous les superlatifs accède sans surprise à la plus haute marche de ce podium. Pour en savoir plus, nous avons très largement détaillé les sept références Rolex Cosmograph Daytona Paul Newman (6239, 6241, 6240, 6262, 6264, 6263 et 6265) dans les deux articles suivants : « Rolex Cosmograph Daytona « Paul Newman » (I/III): destinée à conquérir le Cosmos, immortalisée sur les circuits » et « Rolex Cosmograph Daytona « Paul Newman » (II/III): sept conseils pratiques pour démasquer les imposteurs... ».

$17 752 500 (15 170 911 €), Phillips New York, lot 8, 25 octobre 2017. | Nº1 |.@ phillips

 

 

 

 2. PATEK Philippe QP Chronographe, réf. 1518 (1943)

Si Patek Philippe devait se résumer à une seule montre, cela serait à n’en pas douter, la double complication chronographe/quantième perpétuel. Produite à seulement 281 exemplaires entre 1941 et 1954, la référence 1518 incarne l’exclusivité absolue. L’étonnante sobriété de son cadran s’est transmise depuis lors, en héritage, à d’autres chronographes quantièmes perpétuels de la marque. 

CHF11 002 000, (10 249 603 €), Phillips Genève, lot 38, 12 novembre 2016. | Nº2 |. @ Phillips

 


3. PATEK Philippe « Heures Universelles », réf. 2523 (1953)

    L’horloger Louis Cottier (1884-1966) imagina dans les années 1930 une solution esthétique novatrice pour afficher simultanément l’heure dans plusieurs villes. Artisan et technicien indépendant, Cottier développa ses célèbres « heures universelles » pour plusieurs marques horlogères renommées, dont Vacheron Constantin et Patek Philippe. Ici, la référence 2523 produite par Patek Philippe en seulement sept exemplaires en or rose, confère au modèle une exclusivité toute particulière. Le cadran rayonne d’une intense personnalité depuis son centre bleu émaillé qui s’accorde harmonieusement avec le rehaut des heures en or et aux deux aiguilles des heures et des minutes. Malgré la complexité de l'affichage et dans une économie d'indications déconcertante, l’heure universelle de 40 villes est paradoxalement d’une grande lisibilité.

     

    HK$70 175 000 (9 136 884 €), Christie’s Hong Kong, lot 2201, 27 novembre  | Nº4 |. @Christie’s

     

    4. PATEK Philippe Nautilus « Tiffany », réf. 5711/1A-018, (2021)

    À l’instar de la Rolex Daytona Paul Newman, la vente aux enchères de cette Nautilus co-signée Tiffany a défrayée la chronique. Conçu par Gérald Genta en 1976, le modèle, avait récemment suscité de telles convoitises que le propriétaire de la marque genevoise – Thierry Stern – a pris la décision de mettre fin à la production de la célèbre référence 5711. Une dernière série, co-signée avec le détaillant historique new-yorkais, était censée mettre un point final à la spéculation. Le samedi 11 décembre 2021, le prix de la pièce numéro un s’est littéralement envolé.

     

    $6 503 500 (5 746 773 €), Phillips New York, lot 1T, 11 décembre 2021 | Nº11 | @ Phillips

     

    5. ROLEX Triple Calendrier « Bao Dai », réf. 6062 (1952)

      La marque Rolex est si étroitement associée au sport qu’il semble difficile d’imaginer que ce triple calendrier en or soit bel et bien, sorti des ateliers de la marque à la couronne. Doté d’un cadran noir et de cinq diamants, le modèle, est considéré comme une pièce unique. Son propriétaire Born Nguyễn Phúc Vĩnh Thụy, 13ième et dernier empereur du Vietnam, ( plus connu sous le nom de « Bao Dai ») à Genève au printemps 1954, pour négocier la paix avec la France, souhaitait acquérir une montre exceptionnelle chez Chronomètrie de Philippe Beguin, détaillant Rolex genevois.

       

      CHF 5 066 000, (4 630 015 €), Phillips Genève, lot 93, 13 mai 2017. | Nº19 | @ Phillips

       

      6. F.P. JOURNE Octa Chronomètre à résonnance "Souscription" 001-00R, 1/20 (2000).

        Dans une adaptation déconcertante du principe de résonnance à une montre de poignet, l’horloger François-Paul Journe démontre avec brio, sa virtuosité technique tout en saluant le génie du grand horloger Antide Janvier, auteur de la première pendule à résonnance au début du XIXe siècle. Cette pièce bien spécifique fait partie des 20 montres vendues par l’horloger FP Journe, avant même le lancement officiel de la marque éponyme. D'une extrême rareté donc, elle présente en outre, un mouvement en laiton caractéristique des premiers modèles Journe. Dès 2004, ces mêmes calibres seront exclusivement réalisés en or.

        CHF 3 902 000 (3 697 876 €), Phillips Genève, lot 140, 5 novembre 2021 | Nº29| @ Phillips

         

        7. Rolex Oyster Perpetual « Stelline » réf. 6062 (1952)

        La référence 6062, introduite en 1950, se distingue au sein d'une collection largement dominée par les montres sportives Rolex. La marque explore par cette nouvelle voie esthétique, un territoire inhabituel : celui de la montre élégante. Le modèle, doté d’un triple calendrier et d’une phase de lune, rend expressément hommage à l'astronomie. Huit appliques en forme d'étoile ornent le pourtour du cadran, par intervalles de 5 minutes. Une voie lactée scintillante se déploie ainsi sous nos yeux, discrètement illuminée par le tritium apposé sur ses flancs.

         

        CHF 2 223 000 (2 306 250 €), Christie’s, lot 2051, 6 novembre 2023 | Nº86 | @Christie’s

         

        8. Audemars Piguet Royal Oak, réf. 5402ST (1972) 

          Imaginé par l’artiste Gérald Genta (lire “Gérald Genta, l'improbable concécration”), son cadran en tapisserie (dont la technique est détaillée dans La Tapisserie sur cadran et les mystères de la Dame à la licorne”), interprété dans un design épuré, sport-chic moderne, a immortalisé les codes esthétiques de la Royal Oak et a largement contribué à la réputation de la marque du Brassus. Il s’agit ici, du numéro 2, un des quatre modèles Royal Oak, réf. 5402ST, présentés pour la première fois, à la foire de Bâle en 1972.

           

          CHF1 058 500 (1 015 796 €), Phillips Genève, lot 8, 6 mai 2022. | Nº324 | @ Phillips

           

          9. Cartier Crash «  London » (1991)

            La marque Cartier, et plus spécifiquement ses modèles Crash, suscitent un intérêt croissant sur le second marché. Le modèle ici présenté, appartient à l’une des séries les plus recherchées. L'inscription « London » peinte à 6h sur son cadran doté d’un boîtier en platine, souligne avec élégance l’exclusivité de cette série dédiée au marché anglais.

             

            861 500 €, Pandolfini, lot 510, 2 décembre 2021. | Nº409 | @Pandolfini

             

            10. Omega Speedmaster réf. 45.012-67 SP (1968)

              La rareté d’une montre tient parfois à son propriétaire, comme dans le cas de l’Omega Speedmaster, ayant appartenu à l’écrivain Ralph Ellison, auteur du best-seller “L’homme invisible”. Acquise en 1968, immédiatement après les premières livraisons aux États-Unis, il la conservera toute sa vie.

               

              $667 800 (590 076 €), Phillips New York, lot 138, 11 décembre 2021 | Nº773 | @ Phillips

               

              11. ROLEX Submariner « Big Crown », réf. 6538 (1958)

                L’histoire n’a pas retenu si Hans Wilsdorf, fondateur en 1905 de la marque Rolex, était grand amateur d’huîtres. Quoi qu'il en soit, le mollusque, roi des festivités de fin d'année, exerçait une puissante fascination sur ce dernier, comme en témoigne son étonnante déclaration un soir de janvier 1927, imprimée dans le catalogue de la marque des années 1940 :

                « Messieurs, levons notre verre à l'Oyster. L'huître est la créature la plus pure au monde. Dès sa naissance, elle pare son intérieur de nacre, une matière sublime qu’elle entretient et renouvelle toute sa vie. Nul ne soigne son intérieur aussi bien que l'huître, qui ne tolère ni la moindre poussière, ni la moindre impureté. Si elle ne peut se débarrasser d’un hôte indésirable, elle l’isole et le transforme en perle. Et bien, Messieurs, nous avons emprunté non seulement les qualités de l’huître, mais aussi son nom ». Hans Wilsdorf

                Depuis sa création en 1905, la marque Rolex n’a de cesse d’innover. Or, la collection Rolex Submariner pose un jalon crucial avec l’invention de la première montre étanche à 200 mètres avec sa lunette rotative. Par ailleurs, ses codes esthétiques cristallisent l'excellence de la montre de plongée. Copiée, imitée, plagiée, elle doit également sa notoriété au cinéma, en la personne de l'agent 007. Parmi les modèles les plus rares, on trouve les spécimens développés pour et en collaboration avec la société COMEX, spécialiste des plongées techniques en grande profondeur.

                 HK$6 030 000 (523 566 €), Phillips Hong Kong, lot 882, 27 mai 2019 | Nº927 | @ Phillips

                 

                12. PANERAI Radiomir « Egiziano Piccolo », Réf. 6154 (1954)

                  La référence Radiomir Panerai 6154 concentre tous les éléments qui ont contribué à la renaissance de la marque florentine dans les années 1990. Elle présente en effet, un cadran typiquement Panerai: les chiffres surdimentionnés 3, 6, 9 et 12 évidés sur une première plaque de cadran, puis une deuxième plaque sous-jacente revêtue de peinture radio-luminescente. Il est probable que seules 20 montres référence 6154 aient été produites dans les années 1950, dont un exemplaire a désormais, rejoint les collections exposées au Musée de la marque à Florence.  

                   

                   CHF 322 000 (299 979 €), Phillips Genève, lot 153, 12 novembre 2016 | Nº2,314 | @ Phillips

                   

                  Légende : MARQUE Modèle, Référence (année de fabrication). Prix, lieu, numéro du lot et date de vente| Ranking | (classement sur un total de 361,938 montres vendues dans 297 maisons aux enchères, depuis avril 1989). Source : everywatch.com.

                   

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